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Comment la résistance des levures au cuivre impacte le goût du vin

07/06/2024

Mise à jour : 02/07/2024

Vinification et levure

Pour protéger leurs vignes des champignons, les viticulteurs peuvent utiliser des traitements à base de cuivre comme la bouillie bordelaise, aussi autorisée en agriculture biologique. Cependant, une étude menée par des chercheurs de l’Institut Agro et de l'INRAE de Montpellier dans la revue Scientific reports révèle que cette pratique a des conséquences inattendues sur la qualité du vin.


L'adaptation des levures au cuivre 

Les levures Saccharomyces cerevisiae sont utilisées depuis l'Antiquité pour transformer le sucre du moût de raisin en alcool lors de la fermentation, étape clé de la vinification. A partir de la fin du XIX° siècle, les levures se sont adaptées à la présence de cuivre sur les raisins, du fait de la généralisation de son utilisation pour lutter contre le mildiou. Cette adaptation est caractérisée par la duplication du gène CUP1 dans le génome de la levure permettant de produire la protéine Cup1 capable de fixer le cuivre pour mieux résister à ce composé qui lui est toxique.

L’odeur d’œuf pourri : la surproduction de sulfure d’hydrogène en cause

Cependant, cette adaptation a une conséquence inattendue : elle entraîne une surproduction de sulfure d'hydrogène (H2S) par les levures, un composé responsable de l'odeur d'œuf pourri qui dégrade la qualité sensorielle du vin ; cependant le H2S est nécessaire à la levure pour la production  d’acides aminés soufrés. La protéine Cup1 en étant très riche, sa  production demande une synthèse élevée d’H2S.

L'impact du nombre de copies du gène CUP1

L’étude a consisté à comparer les levures présentes dans les milieux viticoles (vignes et caves) avec celles issues d'un contexte moins influencé par l'homme, comme les écorces de chênes.
–Irène de Guidi, Enseignant-chercheur à l’Institut Agro Montpellier, première autrice de la publication

Une analyse de 51 souches de levures a permis de mieux comprendre ce phénomène. Les chercheurs ont observé que pour les souches ayant entre 2 et 10 copies du gène CUP1 – le cas le plus fréquent chez les levures de vin – la production de H2S était plus élevée. En revanche, pour les souches ayant un nombre de copies supérieur, la concentration d'H2S décroît, voire disparaît pour celles ayant plus de 20 copies. Cela s'explique par une demande excessive en acides aminés soufrés nécessaires pour la synthèse des protéines Cup1, limitant ainsi la présence dans le vin de H2S utilisé par S. cerevisiae pour produire les acides aminés.

Quelles perspectives pour limiter la production de H2S ?

Les résultats de cette étude ouvrent de nouvelles pistes de recherche sur les souches de levures très résistantes au cuivre – ayant un nombre élevé de copies du gène CUP1 – pour limiter la présence de H2S dans le vin. Cependant , il faut évaluer si le coût de la surproduction de cette protéine modifie l’arôme des vins. 

Dans un contexte de changements de pratiques et de nouvelles contraintes sanitaires ou climatiques, ces travaux montrent que la compréhension des mécanismes d'adaptation des levures est primordiale pour optimiser la qualité des vins. De plus, le cuivre, autrefois largement utilisé dans la viticulture, a connu un recul marqué à partir des années 1980. Cependant, il semblerait que cet élément retrouve aujourd'hui une place de choix dans les pratiques de viticulture biologique et biodynamique. En effet, il est utilisé comme alternative aux fongicides de synthèse, suscitant un regain d'intérêt pour ce sujet et mettant ainsi en lumière l’importance des résultats de cette étude.

En conclusion, l'adaptation des levures de vin à la présence de cuivre, due aux traitements antifongiques, a engendré une surproduction de sulfure d'hydrogène pendant la fermentation. Cette production excessive, exacerbée par l'ajout de sulfite couramment utilisé en œnologie, altère la qualité aromatique des vins, et a amené les vinificateurs à mettre en œuvre des pratiques d’aération des vins pour éliminer ces défauts. Ces travaux menés par les chercheurs de l’Unité Mixte de Recherche Sciences Pour l’Œnologie (INRAE, L'Institut Agro, Université de Montpellier) montrent l'importance de mieux comprendre les mécanismes d'adaptation des levures pour relever les défis de la viticulture et l’œnologie de demain.

Référence

De Guidi, I., Galeote, V., Blondin, B., Legras J-L. Copper-based grape pest management has impacted wine aroma. Sci Rep 14, 10124 (2024), DOI : https://doi.org/10.1038/s41598-024-60335-9

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